Macadam Arpenters
"Salut Sven, j'te dérange ?
- Nan, c'est bon.
- Ah. Ben je repasserais plus tard, alors..."
Ouais, il est comme ça mon boss.
L'air goguenard, le voilà débarquant dans mon petit atelier, mon "capharnaüm aux cafards" comme il l'appelle. Le con : c'est pas des cafards, c'est des blattes. Je pose mes fins outils sur ma minuscule table de travail, repousse l'énorme loupe, débranche le fer à souder de précision, m'éponge le front d'un vaste geste de la manche et me tourne enfin vers lui.
"Que me vaut le plaisir, chef ?
- Quel plaisir, Sven ?
- Hé hé hé...
- Putain, j'arriverais jamais à comprendre comment tu fais pour manipuler de si petits outils avec d'aussi grosses mains.
- Qu'est-ce que tu veux, patron ?"
Souriant comme un diable qui viendrait d'acheter l'âme d'un Pape, il extirpe un petit trousseau de grosses clefs.
"Je dois déjà y aller, affaires urgentes. Je te laisse fermer ?
- Affaires urgentes, genre le concert de ce soir où t'a réussi à avoir des places par Karrup ?
- Hum. Genre, ouais.
- Je vois. Faut pas être en retard, c'est pas souvent qu'on peut les voir, les "Macadam Arpenters".
- T'imagine, Sven ? Quarante ans de carrière, dans ces conditions ? Forts, les gars.
- Non.
- "Non" t'imagine pas ou "non" ils sont pas forts ?
- Non tu me laisses pas fermer."
Houlà. Le Pape a signé le contrat de vente à l'encre sympathique, et le diable vient de s'en rendre compte.
"Allez, Sven, fait pas l'enculé...
- Moi j'vais pas au concert, et à cause des mesures de sécurité ils ont bouclé tout le secteur. Je vais mettre au moins trois heures à rentrer chez moi ce soir.
- Et comment je fais, moi, alors ?
- Ben... j'ai bien une idée..."
Le boss au concert, l'entrepôt bien fermé, et moi dans mon canap' en moins de vingt minutes : voilà comment j'ai terminé mon service à seize heure cet aprem au lieu de dix-huit.
Sven Thomasson Vërgson
10ème jour d'Août 2066