L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours... (2/5)
Extrait des notes de voyage de Sven Thomasson Vërgson
Spitzberg, du 10 au 19 Août 2067
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13 Août 2067 - 05:15 - Second tour de garde
Le thermomètre affiche 0°C, mais le vent puissant nous fait sentir dix degrés de moins. Au moins. Le tour de garde promet la tranquillité : l'ours est très probablement blotti au fin fond de sa tanière, lui ! Moi je suis dans le froid, à l'affût. Seuls deux sons brisent régulièrement la monotonie de la brise dans la tente : les cris des sternes, et les craquements du glacier.
La sterne arctique est un oiseau très connu pour son agressivité. Elle pond à même de petits creux sur la plage, et attaque - à coups de bec ou de fientes - quiconque s'approche à moins de vingt cinq mètres. Qu'il s'agisse d'autres oiseaux, de renards, ou de Cédric qui se lève pour pisser.
Le glacier est sensible au vent. Régulièrement, de gigantesques morceaux de glace s'en détachent et tombent en mer dans un fracas de tonnerre qui nous parvient quatre à cinq secondes plus tard. J'observe ainsi aux jumelles l'immense barrière blanche dans l'espoir du spectacle, sachant que si je me contente d'attendre le son pour tourner la tête il sera trop tard : l'écume sera retombée, et tout sera déjà terminé.
Ah ? Le ciel au-dessus du glacier se dégage, on dirait. Peut-être que demain - tout à l'heure - nous pourrons repartir. En attendant, je vais entamer mon second tour de camps...
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Je n'ai rien à ajouter, si ce n'est que les cris des sternes et les grondements du glacier étaient finalement bien plus agréables à l'oreille que les ronronnements de mes galeries retrouvées...
Sven Thomasson Vërgson
22ème jour d'Août 2067