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Blanc comme neige...
2 octobre 2007

Bonne nuit

Je rentre tard, à la lumière faiblissante des réverbères du district 5. Je n’aime pas ça. Non pas tant à cause d’une puérile peur du noir, mais bien parce que cela me rappelle – nous rappelle à tous – combien notre vie souterraine est artificielle.

Ce sont les psychologues qui l’ont dit : l’humain a besoin de repères. De respecter un cycle. Il a besoin qu’il fasse jour le jour, et qu’il fasse nuit la nuit. Alors on a mis en place un système d’éclairage qui varie avec l’horloge : le jour, l’éclairage est à fond, et les galeries sont très bien éclairées. Je vais pas te dire qu’on y voit comme en plein jour, parce que ça m’arracherait la gueule de prononcer une phrase pareille, mais c’est ça l’idée. Et puis, en fin de journée, lentement, les luminaires baissent d’intensité. Pas jusqu’à s’éteindre, bien entendu, mais juste assez pour que tu ne distingues plus bien ce qu’il y a entre les ombres. Juste assez pour raviver tes peurs d’enfants. Ou pour dissuader les femmes d’une balade solitaire.

Les papillons de nuit, ces résistants insectes, pullulent dans les galeries. En journée, quand la citée est baignée de la lumière blanche des néons, tu ne les vois pas. Mais ce soir, tandis que je marche, simplement guidé par les lueurs désormais blafardes, je les vois virevolter autour de ces pâles soleils. Ou lunes. Ils y croient, les papillons, à cette nuit artificielle. Moi, j’ai besoin de faire un détour par la place de St Moldan, sous la coupole de nanoplexi, si je veux me persuader que dehors les étoiles – les vraies étoiles – brillent bien dans le ciel bleu nuit. Je vais m’asseoir sur le banc de droite, à côté de la vieille dame, qui est là tous les soirs à la même heure, le visage levé. Je reste cinq minutes, rarement plus, juste le temps que mes yeux s’habituent à l’obscurité et distinguent les étoiles. Les vraies étoiles. Ensuite je me lève, et dis « bonsoir, madame ». Et elle me répond invariablement « je vous souhaite la bonne nuit, monsieur ».

Alors seulement je suis rassuré. Et c’est ainsi que j’entretiens cette certitude au fond de moi, cette croyance que tout n’est pas faux.

Sven Thomasson Vërgson
Second jour d’Octobre 2067

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Commentaires
S
Karaz : ou alors je suis terriblement perspicace et doté d'une intuition toute féminine :)<br /> <br /> Ce bref réveil : dans ce cas précis, il s'agit plus d'une croyance. On pourrait presque parler de foi...<br /> <br /> Leila : tu vois pourquoi je sors, quand je peux ?<br /> <br /> Madame Poppins : je vois que je vous ai cassé le moral, à toutes...<br /> <br /> Mimi : nous ne sommes pas prisonniers non plus. Il faut juste avoir le courage de monter à la surface (et c'est pas facile tous les jours non plus).
J
Oh la la, moi je veux pas ne plus pouvoir regarder les étoiles en vrai, dans le futur.<br /> :-(
M
Vivre sous une fausse nuit, une fausse lumière, tout le temps, matin, midi, soir, c'est quelque part un cauchamar parce qu'il manque à l'air son souffle, à la lumière sa chaleur, à la nuit son mordant.<br /> <br /> Courage pour cette vie ! De chien !
L
La nuit en montagne en hiver quand il fait beau (note l'ensemble des conditions à réunir, hein?), le scintillement des étoiles semble presque vivant tant le ciel est limpide, débarassé de son humidité et de toute pollution lumineuse. <br /> Je me demande si la vision des étoiles à travers une couple de nanoplexi (vraiment, le futur est aussi dégligeant dans le soin qu'il apporte aux néologismes que le présent, on croirait Orwel, ou pire, du Barjavel), te permet de retrouver ce sentiment de pureté qui envahit alors le courageux solitaire regardeur d'étoile de l'hiver en montagne quand il fait beau la nuit...<br /> dis moi ?
C
Comme ça vous avez des certitudes? Il faudra que je vous écrive un billet juste pour vous un de ces quatres.
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