Fuck les phoques
« Ben… et ça, c’est quoi ? »
Tu te souviens, je suppose, qu’en Août j’étais parti un bon moment faire le con au pays des ours blancs. J’avais fait des randonnées sur des glaciers, et du kayak de mer au milieu des icebergs, c’était chouette. Depuis, je passe du temps à trier le monceau de photos prises durant ces dix jours, et je ne me lasse pas de les montrer aux amis que cela intéresse.
L’une de mes déceptions – expliquais-je encore récemment à un pote – était de ne pas avoir vu beaucoup de phoques. C’est tout juste si l’un d’eux, plus curieux que les autres, avait osé se montrer alors que nous venions d’accoster pour déjeuner d’une soupe chaude et d’un bout de pain. Pourtant, nous avons passé plus de deux heures ce jour-là à chercher les sympathiques mammifères au milieu des glaces… en vain.
« Eh non, y’avait pas de phoque…
- Ben… et ça, c’est quoi ?
- Oh putain… »
Sur l’écran, il me montre un point de l’image. Sur la photo s’étend l’eau du Fjord dans toute sa beauté bleutée. Malgré l’immobilité du cliché, mon kayak rouge semble filer au milieu d’un agglomérat de glaçons, et mon sourire est clairement visible sur mes lèvres gercées. Et au bout du doigt de mon pote, à environ dix mètres sur la droite du kayak, à l’opposé de mon regard qui sourit au photographe, il y a une tête sombre qui émerge de l’eau. En zoomant, on distingue la peau luisante couleur marron, les longues moustaches et deux yeux noirs et curieux.
« Oh putain j’y crois pas ! » répétais-je, incrédule.
L’une de mes déceptions était de ne pas avoir vu beaucoup de phoques. Mais on dirait bien que eux, ils nous ont vu…
Sven Thomasson Vërgson
Troisième jour d’Octobre 2067
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