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Blanc comme neige...
26 octobre 2007

Sur mes gardes

J'étais adossé dans le noir, fondu dans l'ombre que le mur découpait dans la toile de lumière du réverbère. Mon grand manteau me protégeait du froid stagnant de la galerie souterraine, et j'en avais relevé le col autant par coquetterie que par soucis de discrétion. Mon souffle se condensait en légères volutes blanches à chacune de mes expirations, et je me mis à penser que si j'étais fumeur, j'aurais certainement un mégot au bec, prêt à le balancer d'une chiquenaude dès que ça bougerait.

Je me redressais soudain et jetais ma clope virtuelle au sol : il sortait. Il s'esclaffait à la blague certainement désopilante de son subalterne, nouant d'un air détaché sa belle écharpe de marque autours de son cou. Il échangea encore quelques paroles, fit signe qu'il faisait froid, et salua le sergent qui parti de son côté. Le lieutenant, lui, entama un trajet que je connaissais par cœur et qui le mènerais jusque chez lui, dans le district 6.

Le chef de la sécurité du district, Lian Karrup, marchait à travers la cité souterraine de la Baie d'Azur, et je le poursuivais.

C'est étrange, quand même, de se rendre compte à quel point l'être humain se fabrique des habitudes. Mes filatures se suivent et se ressemblent, et ce soir ne faisait pas exception à la règle : il traversa les voies circulatoires aux mêmes passages protégés, s'arrêta quelques immuables secondes devant l'éternel antiquaire de l'Avenue Ronin (dont la devanture n'évolue pourtant pas souvent), plaisanta gaiement avec la boulangère de l'entrée de district, et lui acheta le même pain rond que d'habitude. Elle ne lui demanda même pas ce qu'il désirait.

Karrup arriva enfin à son bloc d'habitation, tapa quelques touches sur le digicode - 7531B - et poussa la lourde porte de l'épaule en tenant son pain contre sa poitrine. Le panneau d'acier se referma de lui même dans un "clang" bien sonore qui résonna dans la galerie désertée. Ainsi prenait fin ma surveillance, cette pitoyable et inutile filature qui pourtant me rassure un peu, à chaque fois. Depuis le temps qu'il me laisse tranquille, je m'attends un peu plus à ce qu'il m'arrive une grosse tuile : il a beau sourire à la boulangère, je sais qu'il ne m'a pas oublié. Je suis certain que lui me surveille. Alors j'ai l'impression de lui rendre ainsi la monnaie de sa pièce.

Le chef de la sécurité du district, Lian Karrup, vit sereinement dans la cité souterraine de la Baie d'Azur.

Et le jour où tu croiras que je t'ai oublié, Lian, et que tu repasseras à l'attaque, tu arrêteras de te méprendre. Tu finiras par comprendre. Par comprendre que j'ai toujours été juste derrière toi. Derrière chacun de tes pas.

Derrière chacun de tes pas.

Sven Thomasson Vërgson
26ème jour d'Octobre 2067

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Commentaires
S
Martin : j'adore.<br /> <br /> Monsieur : ma foi, dans certains moments de lucidités, je me dis que je devrais arrêter. Mais vous ne savez pas de quoi cet homme est capable...<br /> <br /> Mlle Bille : c'est la plus petite catégorie. Trois ou quatre notes à lire, et vous saurez presque tout.<br /> <br /> Omo Erectus : un bon Karrup est un Karrup mort, mais je ne suis pas encore passé de ce côté de la ligne...
O
Bravo et toutes mes félicitations, Vërgson, pour ainsi et finalement avoir fait dans ce bilet ton "coming tout"! Ce désir qui te brûle à la pensée de Karrup est d'une telle passion!<br /> <br /> Allez mon vieux! Il ne te reste plu qu'à composer le code 7531B pour finalement assouvir ce brasier qui te consume.
M
Quoi???? faut se taper TOUT le truc? Bon, j'attends la neige...
M
Paranoïaque inversé, voilà une nouvelle face du Vergson. Paranoïaque inversé c'est du genre psychopate...
M
"Nuit et jour, j'entend un double pas sur ma trace" (Kipling, le second livre de la jungle)
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