I, robot
Je me suis réveillé ce matin les muscles noués, les yeux au plafond et la nuque raide comme si on m'avait vissé une cheville de 12 au niveau de l'occiput. J'avais les membres en bois, les tendons en acier, et l'hémoglobine huileuse. Je me suis senti artificiel : pas une créature vivante de chair et de sang, mais un robot en low battery ou un pantin wireless.
Mon esprit lui-même avait du mal à booter, réagissant comme une mécanique de basse qualité ou un peu rouillée. Ou touchée par un virus, peut-être, de ceux qui bloquent toute analyse ou le branchement de tout périphérique. C'est déstabilisant de se sentir si peu humain, confronté aux problèmes de pièces d'usure ou aux limites d'un espace mémoire limité. De devoir terminer une application, de gré ou de force, pour être capable d'en démarrer une autre. De contempler son propre bouton 'power' enclenché en position 'off', l'index bien incapable de bouger pour remédier à la situation.
Et c'est là que je me rappelle qu'une machine ne sert à rien sans utilisateur, qu'une voiture n'avance pas sans que quelqu'un n'ai tourné la clef, qu'une marionnette ne devient pas un vrai petit garçon sans une jolie fée.
Je ne suis qu'un trucage humain et je me dandine sur la scène encadrée de velours rouge, le petit théâtre de ma vie. Un grand guignol avec une gueule de bois.
Sven Thomasson Vërgson
Premier jour de Novembre 2069