L'esprit de compétition

12 février 2013

"Alors Sven, prêt, on fait la course ?"

J'adore cette forme d'expression qu'a le chat, parfois. Tu vois de quoi je parle ? Ce petit air teinté de snobisme. Quand, malgré sa petite taille, il semble te regarder de haut. Quand tu lui lance une balle comme tu le ferais avec un chien, et qu'il détourne simplement la tête en fermant légèrement les yeux. Quand tout, dans sa posture, semble te dire "Non mais tu m'as bien regardé ?".

Eh bien, pour toute réponse à HD, je fis ma tête de chat.

"Allez quoi Sven, t'as peur de perdre, c'est ça ?"

Je n'avais pas peur : j'en avais rien à foutre, de perdre. Tout comme j'en avais rien à foutre de gagner, en fait. Je crois que ça résume bien le tout.

Cela passe pour de la faiblesse, pourtant. De nos jours, tout est soumis au régime de la compétition. Dès l'école, il ne s'agit plus d'apprendre ou d'être bon dans son domaine, il faut être le meilleur ; A la télé dans une émission de survie (qui devrait être centrée sur la solidarité) il faut être le meilleur ; La cuisine (symbole du partage et de la convivialité par excellence) est devenue elle aussi terrain de compétition acharnée ; Même le jeu vidéo n'a plus de jeu que le nom, tant la lutte fratricide entre joueurs du monde entier a pris le pas sur l'amusement simple et le fun. Au boulot, dans les loisirs, au lit, partout, on compare et on évalue, on se provoque et on se vante. On classe.

Comme sur ce bête trajet de retour à pied dans la galerie principale du district 7, alors qu'HD me proposait de piquer un sprint.

J'en avais discuté avec HD, une fois, de son besoin quasi-pathologique de compétition. Il m'avait dit "j'y peux rien, quand je fais un truc j'ai besoin d'être le meilleur". Ma foi, ça doit être dur, psychologiquement : il y a toujours meilleur que soi, non ? M'enfin, outre le fait que cela met en relief un évident et profond besoin de reconnaissance, je n'arrive toujours pas à comprendre le "pourquoi" de la chose. Et moi quand je comprends pas, je fais pas.

"Le dernier arrivé est un con !" s'esclaffa-t-il en s'élançant en avant.

J'ai ricané tout seul en poursuivant ma marche tranquille.

"Le premier aussi HD, le premier aussi..."