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Blanc comme neige...
14 novembre 2006

Le battement d’ailes d’un papillon (1/2)

Il tournait autours. Pas comme la Terre autours du soleil, non, plutôt comme un ivrogne autour d’un bar dont on lui aurait interdit l’accès. Avec envie, mais d’ores et déjà saoulé. Ivre de lumière.

Le papillon de nuit tournait autour de l’ampoule de ce réverbère, y revenant en flèche dès qu’il s’en écartait, sans jamais en être assez près à son goût. Sans jamais vraiment l’atteindre. Peu avare de comparaisons hasardeuses, je le contemplais rêveusement en me disant que les hommes tournaient autour des femmes de la même façon. Hésitants et brusques, maladroits et inconstants. Sans jamais arrêter, quitte à se brûler les ailes.

Debout dans la galerie, droit comme un i, figé comme un con, j’observais le papillon. Mon souffle se condensait dans le froid de ce tout début de mâtinée, et mes mains fermées en poings étaient profondément enfoncées dans les poches de mon manteau. Peu à peu, l’insecte nocturne fatigua et ses battements d’ailes devinrent plus lents, plus fastidieux. Il perdit de l’altitude et voleta vers moi, comme s’il me visait. Puis, au dernier moment, d'un battement d'aile, il m’esquiva sur la gauche et s’engouffra dans une ruelle. Je le suivis des yeux.

Il disparut derrière l’enseigne d’une librairie, dont la vitrine captiva mon attention. Je m’approchais et ouvrais de grands yeux émerveillés : devant mon regard ébahi s’étalaient de nombreux ouvrages de l’Avant, tout un trésor de recueils photos, de paysages terrestres d’il y a cent ans, éclairés par de petits spots. Je souriais devant le prix mirobolant de ces livres de luxe, qui n’égalaient pourtant pas le prix de ce que nous avons perdu. Ce sont des albums très à la mode, aujourd’hui, et il est difficile de croire que notre bonne vieille planète était encore ainsi il y a à peine quelques dizaines d’années.

Lorsque je revins à la réalité, un moment d’affolement m’envahit : j’étais resté là plus d’une demi-heure à contempler les couvertures brillantes de la librairie, et j’étais désormais sacrément en retard !

« Sven, tu déconnes ! » que je me suis dit.
«  Vërgson, charlot de l’électronique, t’es qu’un abrutis ! » que le boss m’a dit.

Il fallait en effet que je sois en retard juste le jour d’une commande urgente pour un client important. Livraison pour le début d’après-midi.

Je me mis au travail immédiatement et ne m’arrêtais pas pour manger. Du coup, dans la précipitation, je grillais deux cartes électroniques, posais sans y penser un lapin à Hurley à qui j’avais promis un déjeuner, et énervais tellement mon boss qu’il m’envoya chier une fois de trop : je claquais la porte de l’atelier en le laissant en plan avec la dernière carte à terminer, furieux. Ce n’est qu’à ce moment-là que j’eus les messages d’Hurley sur mon téléphone, de plus en plus dégoûtés, qui se conclurent par l’annulation de notre soirée billard de ce soir.

J’en avais gros sur la patate.

Marchant seul dans les galeries du district cinq, je m’arrêtais un instant près d’un réverbère. Un papillon de nuit, sortant de l’obscurité de la voûte, se dirigea vers la lumière, s’y cogna, s’acharna. Il tournait autours.


Sven Thomasson Vërgson
14ème jour de Novembre 2066

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Commentaires
M
Ha mais moi non plus !
S
Mimi : je supporte pas les mouches.<br /> <br /> M : et tu n'as encore rien lu.<br /> <br /> Bière : sauvage (j'aime assez ceci dit).
B
Lépidoptères de merde.<br /> Faut les tuer.
M
Quel effet...
M
Ta da da daaaaa...<br /> L'avantage des papillons, c'est qu'ils ne font pas de bruit. Par rapport aux mouches, je veux dire. Dont le vol géométrique est fascinant aussi, mais pénible auditivement ! <br /> (Mais on s'en fout, oui.)
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