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Blanc comme neige...
24 août 2006

Raccourcis

"Allez, quoi, c'est bien toi qu'on surnomme le passe-muraille, non ?"

Ouais. Il paraît. Eh ben on est pas dans la merde, tiens !

Je revenais d'faire mes courses, hier aprem, quand en passant dans une ruelle-raccourcis qu'Hurley m'avait indiqué, je tombais sur une scène que j'aurais pas dû voir. On ne se méfie jamais assez des raccourcis. Mon vieux grand-père disait toujours que les bons raccourcis c'étaient de l'espoir déçu. Et qu'en général, si quelqu'un te dit : "Passe par ici, tu vas voir, c'est un raccourcis", tu peux être sûr que tu vas perdre deux heures. Voir plus, comme je n'allais pas tarder à le vérifier (faut toujours écouter son grand-père).

Le ptit Todd saignait du nez, affalé dans les poubelles. Le ptit Todd, c'est un dealer minable du cinquième district que je connais un peu. Il est pas méchant, c'est juste un pauvre type. Au-dessus de lui, deux gars de la sécurité, tout beaux et virils dans leurs uniformes anthracites, le sourire cruel aux lèvres. Des hommes de Karrup avec le sourire de Karrup. J'avais déjà fait deux pas dans la ruelle. Je m'arrêtais. J'hésitais une seconde à faire demi-tour immédiatement, mais je n'eu même pas le temps de faire mon choix.

"Tiens donc. Regardez qui voilà !
- La raclure attire la raclure. Tu venais acheter de la dope à ton pote Toddy, Vërgson ?
- Moi au moins je l'achète, je tabasse pas des gamins pour me faire des joints à l'oeil.."

Oui, je sais, avec le recul, je suis d'accord avec toi : j'aurais dû la fermer un peu. Mais tu commences à nous connaître, moi et ma grande gueule, non ?

Dans les films, les héros se battent toujours seul contre tous, et ils gagnent. Ben moi, ils avaient beau n'être que deux, ça faisait toujours un de trop. Parce que le ptit Todd, il était déjà plus en état d'équilibrer la balance. Oh, je veux pas me vanter, mais j'ai placé quelques bons coups, et je crois pas qu'ils en soient sortis indemnes, ces fumiers. N'empêche que j'ai (encore) mordu la poussière. Ils étaient contents, les deux Agents de la Sécurité dans leurs beaux uniformes. Et visiblement, ils avaient des ordres tout spéciaux au cas où ils auraient affaire à moi.

"CLONG !" qu'elle a fait, la lourde porte du petit dépôt. Un petit réduit tout pourri, moins impressionnant que la chambre froide de la dernière fois, mais tout aussi hermétique. Et me voilà à mater la gueule ensanglanté du ptit Todd, et dans son oeil encore intact j'ai bien vu que j'étais pas plus beau à voir.

"ça va p'tit ?
- Je crois que j'ai encore toutes mes dents.
- Tant mieux, mon gars. Tant mieux."

C'est important, les dents. J'ai toujours eu horreur du dentiste, et dans les bastons si il y a bien un truc auquel je fais gaffe, c'est mes burnes et mes dents.

"Qu'est-ce qu'on fait maintenant, Vërgson ?
- Ben on attend. Je suppose que le proprio du dépôt viendra ouvrir demain matin.
- J'crois pas, il est en vacances jusqu'à lundi.
- Ah.
- Connards de flics !
- Un peu de respect pour les gens du maintien de l'ordre, steuplait.
- Hein ? Tu rigoles Vërgson ! Toi tu...
- Moi c'est pas pareil. C'est... personnel."

Une sorte d'allergie, en fait. Pas aux flics en général, juste à Karrup. Et à ses chiens de garde.

"Bon, tu nous sors de là alors ?
- Et comment veux-tu que j'm'y prenne ?
- Allez, quoi, c'est bien toi qu'on surnomme le passe-muraille, non ?"

PFfff. Je pouvais quand même pas lui dire que, la dernière fois, j'avais été libéré par les dealers qui planquaient leur came dans la chambre froide abandonnée ! Les types étaient venus en pleine nuit pour s'approvisionner, m'avaient trouvé là, et contre quelques biftons ils m'avaient laissé partir. J'avais alors pu aller faire une petite surprise à Karrup avec une joie non dissimulée. Mais dire ça à Todd, non : c'était les gars d'un gang concurrent (non, mon orgueil n'a rien à faire là-dedans).

"Qu'est-ce que tu foutais dans ce quartier, d'abord, espèce de p'tit con ?
- J'avais rendez-vous pour une livraison.
- Dans cette ruelle ?
- Ouais.
- A quelle heure ?
- Ben... bientôt, là. Mais laisse tomber : ils m'ont tiré toute ma came, les enfoirés.
- C'est pas ta vente que je veux sauver, c'est nos fesses."

Disant cela, je lui tapotais l'épaule et m'approchais de la porte d'acier, collant mon oreille au battant.

"Viens par là, Todd. Et si t'entends passer, appelle ton client.
- Pas con, Vërgson, mais t'oublie un truc : il aura pas les clefs.
- Oh mais avec un peu de bonne volonté, il se démerdera à ouvrir.
- Faut encore qu'il veuille !
- S'il est en manque de dope, t'inquiète qu'il va vouloir.
- Mais je l'ai plus, sa dope !
- Ah oui, mais ça il le sait pas..."

J'vous épargne les détails, mais globalement ça a pas mal marché. Le gars était à l'heure, il a marché dans la combine, et vu que c'était un bourrin il a fracassé la serrure au pied de biche. Conclusion : dépôt fracturé, client trés fâché, Todd dans le merdier, et mon oeil toujours gonflé.

On va dire que je m'en sors pas si mal : ce raccourcis ne m'aura bouffé que deux heures et demie.

Sven Thomasson Vërgson
24ème jour d'Août 2066

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Commentaires
S
Bluemoon : je l'oublie pas non plus.<br /> <br /> Kir : c'est ce que je me dis tous les jours...
K
Courage tout le monde, encore 90 ans... Sachant que je serai morte bien avant, finalement, ça va passer vite.
B
Excellent épisode ! Je vois que le monde souterrain a gardé les mauvaises manières du monde d'avant. Il va falloir que tu t'équipes pour la baston, parce que le Karrup, il va pas t'oublier, Vërgson !
S
Kir : vers 2098, par là...
K
Après un léger doute, et une vérification tardive, *raccourci* ne prend pas de S au singulier, comme je viens de l'écrire.<br /> Tout le monde s'en branle, mais quitte à avoir de gros Roberts, autant s'en servir.<br /> <br /> (un jour, tu me supplieras de ne plus commenter)
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