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Blanc comme neige...
29 août 2006

Le tunnel du vieux square

Le tunnel du vieux square est un repère d’insectes mutants, un édifice branlant empli de chausse-trappes, un lieu instable et extrêmement dangereux. L’amoncellement de débris qui le jonchent et l’amas végétal qui en a pris possession le rendent difficilement accessible, pour ne pas dire carrément casse-gueule. Il est impossible de s’y déplacer autrement qu’en marche lente et précautionneuse sous peine de s’y fouler une cheville, de s’y déboîter un genou ou de s’y déchirer quelques ligaments croisés.

Moi, je cours à en perdre haleine. Ma lampe torche s’affaiblit de foulée en foulée, et j’éclaire d’un faisceau tressautant les mains de pierres et de fer qui cherchent à attraper mes pieds. Je saute par-dessus une souche, retombe sur un amoncellement de gravas qui roule sous ma semelle, rebondis vers un bidon d’acier qui sonne vide, et atterris dans une flaque sans interrompre ma débâcle. Ma respiration n’est plus du tout régulière, et mes poumons ne suivent pas le rythme de mon cœur. Je cours comme si je me foutais de mes chevilles, de mes genoux, de mes ligaments croisés. Je cours comme un fou, comme si la mort était à mes trousses. Et en vérité, je pense que c’est le cas.

Le bruit d’une pierre qui roule dans mon dos, et je redouble d’efforts, parce que je ne sais pas si c’est ma pile de gravas qui s’écroule complètement ou si ce sont EUX. Au bout du tunnel, enfin, un point de lumière. Je souris. Trébuche. Tombe en avant. Lâche ma lampe qui s’éteint dans un choc métallique. Douleur dans ma main gauche et dans mon genou. Merde. Mon genou. Relève-toi, Sven, t’as encore toutes tes dents, mais ça va pas durer si tu te magnes pas le fion ! Un liquide chaud coule le long de mon poignet, mais le genoux tient. Je ne vois plus que le point de lumière au loin. Je cours. Cours. Cours !

Je me traîne, en fait, et j’en suis conscient. Mon genou me supporte, mais parmi les décombres du tunnel, les vestiges de mon corps de sportif et les résidus de douleurs, j’ai la démarche vieillissante d’un papy paraplégique. La pensée fugitive que je suis déjà mort, courant vers la lumière, me traverse l’esprit. Heureusement que j’ai mal partout, sinon ma paranoïa me dirait sans doute : «
non, Sven, ne va pas vers la lumière ! ». Mais non, quand on est mort, on ne sent plus son corps. Et moi, putain, je le sens bien !

Un millier de claquements de mandibules résonnent dans le tunnel alors que la blanche lueur et la froide atmosphère de l’extérieur m’étourdissent. Je me retourne par réflexes, un bras levé pour protéger mon visage. Je ne vois rien dans le noir, mais je sais qu’ILS ne sont pas loin. Néanmoins, je suis sauvé : il fait jour et froid. ILS ne s’aventureront pas dehors, ne me suivront pas jusque-là. Mon élan m’emporte sur quelques pas encore, malgré mon regard rivé vers l’arrière. Mon talon butte sur un rocher, je fais un soleil, mes pieds passent par-dessus ma tête, puis ma tête par-dessus mes pieds, et encore, et encore, et je roule, entraîné dans une pente gelée qui se termine dans une épaisse couche de poudreuse.

Plof. Le nez dans la neige. J’ai jamais été aussi content d’avoir froid.
Faudrait vraiment que je mette un peu de chauffage avant d'aller me coucher, je dors mal en ce moment.


Sven Thomasson Vërgson
29ème jour d’Août 2066

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Commentaires
F
faut toujours ralentir à la sortie d'un tunnel , tu sais pas encore que la lumière éblouie ??? rolala , t'aurais pu te faire vraiment trés mal !!
K
Demain tu quitteras l'endroit que tu connais, pour retrouver certains de tes lecteurs ... raconteras ton voyage épique ?
S
Kir : ah bon ? Zut...<br /> <br /> Bluemoon : demain est une autre nuit...<br /> <br /> Bière : c'est ce que je me dis, parfois.<br /> <br /> Carmen : je viens de me rendre compte que quand on utilise les symboles "supérieur à" et "inférieur à" canalblog prend ça pour des balises. Bref, il a pas affiché mon commentaire à ton égard. C'était un truc du genre :<br /> * Respiration à la Dark Vador *<br /> (Mais forcément, à rebours, ça n'a pas le même impact)
C
Mais encore ?
B
En fait c'est pas un rêve. C'est ce que tu crois être la vraie vie qui est un rêve.
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