Dojo
« Allez Sven, viens ! Au moins un soir, tu verras bien !
- Mouais… peut-être… »
Je songeais à cette conversation avec HD tout au long de ma marche solitaire dans les galeries du district 7. Je ruminais de vieux souvenirs, et en arrivant à mon bloc d’habitation j’avais l’esprit entièrement dans le passé. Je ne pus me retenir : aussitôt entré dans l’appartement, j’ouvrais les battants de l’armoire encombrée de mes fringues, tirais une chaise devant les étagères ainsi offertes, et allais farfouiller au fond de la rangée du haut. C’est ainsi que j’exhumais, impeccablement plié et d’un blanc immaculé, mon ancien kimono.
Cela faisait plus de dix ans qu’il patientait, et je fus incapable de résister à l’envie impérieuse d’un essayage. Juste pour voir. Il semblerait qu’au cours de cette décennie, je n’ai pas beaucoup changé physiquement. Je suis peut-être même plus affûté : il me va bien.
J’ai tourné et retourné le papier déchiré sur lequel HD m’avait inscrit l’adresse du dojo. Son père y donne des cours d’aïkido, désormais, et mon vieil ami m’a proposé de m’y remettre. Bon pour le corps, bon pour l’âme. J’ai des mouvements qui me reviennent en tête, des roulades, des clefs de bras. C’est vrai que c’est ludique, comme art martial : on apprend beaucoup sur son propre corps. Mais je ne sais pas si j’ai envie de m’y remettre sérieusement. J’irais peut-être saluer son père, à l’occasion. Au moins un soir.
Je verrais bien.
Sven Thomasson Vërgson
10ème jour d’Octobre 2067