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Blanc comme neige...
25 octobre 2007

Retour aux sources

J'avais passé une sale journée.

Non, en fait, objectivement, elle n'avait pas été pire que les précédentes, mais c'est un peu le coup de la goutte qui fait déborder le vase. Les nerfs à fleur de peau, l'envie de tout envoyer bouler. Tout ça. Je marchais les dents serrées et le pas cadencé, droit comme au peloton d'exécution, rentrant chez moi après quelques heures de boulot seulement. Et puis je suis passé sous le dôme de la Place Garibaldi : dehors, il faisait encore jour, mais le ciel gris était si anthracite et bas qu'il anticipait la nuit ; Des flocons tombaient en rafales, propulsés par des vents violents ; Bref, en surface c'était la tempête, et va savoir pourquoi j'ai été immédiatement pris d'une envie irrépressible d'y aller.

En rentrant chez moi, j'ai jeté mes affaires de boulot dans un coin, et j'ai sorti tout mon barda : mes bottes crantées, ma combinaison, mon émetteur. J'étais excité comme un chien auquel on vient de passer la laisse, et en vérité c'était exactement ça... c'était l'heure de la balade.

Les gardes de la galerie Sud me connaissent bien, mais ils étaient surpris quand même. Duran avait même l'air inquiet. Il m'a demandé "t'es vraiment sûr de ce que tu fais, Sven ?" et moi j'ai souris. Mais je crois que mon rictus était plus carnassier que rassurant, et c'est avec une moue plus prononcée encore qu'il m'a ouvert la trappe.

Après seulement dix pas dans la neige, j'ai éclaté d'un grand rire un peu dément, comme libéré. C'est exactement ce que j'ai ressenti : le prisonnier qui s'évade, et qui rit. Le vent hurlait à mes oreilles, et les flocons venaient frapper le verre de mes lunettes de protection avec toute la violence dont ils étaient capables. J'ai suivi lentement les balises rouges, m'arrêtant régulièrement pour écarter les bras au passage des rafales, comme si je voulais m'envoler. L'air glacé de l'extérieur me grisait, et le temps épouvantable m'apportait cette certitude si rassurante que je n'étais rien. Je suis finalement arrivé sur le fronton, et les gouttes qui coulaient entre les poils de ma barbe de trois jours prirent un goût salé. D'énormes rouleaux se fracassaient sur les plages de l'Avant, sans que je puisse les entendre tant les éléments me rendaient sourds. Je souriais : la mer déchainée, c'était presque l'Océan. Me revinrent alors quelques paroles issues de vieilles chansons de l'Avant, que je me décidais à chanter à tue-tête, seul face à la Nature déchaînée.

"Allez neige, tombe comme avant, éclaire-moi !
Dans la nuit noire, éclaire-moi maintenant !
Je ne suis plus vraiment comme avant..."

Je ne suis resté dehors qu'une petite heure. Je suis rentré chez moi éreinté par l'effort physique, trempé et glacé jusqu'à la moelle, mais heureux comme un roi.

Sven Thomasson Vërgson
25ème jour d'Octobre 2067

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Commentaires
M
Yaka flocon...
S
Leila : vous êtes d'une trempe chère à mon coeur.<br /> <br /> Monsieur : chantez donc avec nous, monsieur.<br /> <br /> Ce bref réveil : on voit bien que c'est pas toi qui a perdu une chaussette.
C
Ah! J'ai tellement hâte à l'hiver maintenant...
M
Choeur glacé au refrain dyonisiaque.
L
Je crois que je comprends assez bien. Ici aussi, (et maintenant devrais-je dire) il m'arrive d'aller voir souffler les vents d'ouest sur l'océan,et de passer pour un bipède étrange quand je marche vers la plage alors que les rares passants rentrent en courant aux voitures.<br /> sans doute une vraie tempête glaciaire refroidirait-elle un peu mes ardeurs, mais pas sur.<br /> au fait, j'espère cher Sven, que vous aviez de quoi faire du grog au retour... c'est souverain !
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