Papillon de nuit
« Tu vois Hurley, moi je les aime bien, ces papillons. »
On était tous les deux dehors, rentrant à pied d’une soirée chez HD. Nos poings profondément enfoncés dans les larges poches de nos manteaux, nous déambulions dans les galeries souterraines de notre bonne vieille citée, le nez levé comme si nous regardions le ciel. En vrai, nos yeux ne voyaient que les réverbères basse consommation et les loupiotes des traverses de secours, mais on contemple les étoiles qu’on peut, pas vrai ?
« T’es vraiment un gars bizarre. Ils ne sont même pas beaux, tes papillons de nuit. »
Je t’en parle souvent, de ces papillons, et pour cause : ils sont omniprésents dans les galeries. C’est vrai qu’ils sont moches, qu’ils ne volent pas droit, et qu’ils donnent l’impression de tituber de réverbère en réverbère comme un poivrot faisant la tournée des bars. Ils s’enivrent de lumière puis s’approchent de la prochaine flamme, hésitants mais obstinés, maladroits mais téméraires, prêts à se brûler les ailes. Comme l’humain que tu es, en quête d’un bonheur aveuglant que tu n’atteints jamais vraiment.
« Toi qui les aimes tant, Sven, tu peux m'expliquer un truc ?
- Oui, quoi ?
- Si ces putains de papillons aiment tellement la lumière, pourquoi ne vivent-ils pas le jour ? »
Sacré Hurley. Il m’étonnera toujours, avec son petit côté rationnel de scientifique de magazine. J’ai laissé passé un petit instant, marchant en silence à ses côtés, observant l’un de ces insectes se cogner contre la bulle de plexi de son mini-soleil, et rejoindre de dépit l’astre suivant, cinq mètres plus loin. La réponse m’est alors apparue, lumineuse.
« Tu sais quoi Hurley ? Un papillon de nuit, c’est réaliste. La grosse ampoule, le jour, elle est vaaaaaachement trop loin... »
Sven Thomasson Vërgson
Dernier jour de Novembre 2067