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Blanc comme neige...
8 février 2009

Sourire garanti

"Une bonne vanne bien pourrie judicieusement placée ?
- Nan."

Je marchais à grands pas décidés sur la traverse glaciale. Hurley trottinait, essayant de suivre mon rythme pour rester à ma hauteur.

"HD quand il sourit ?
- Il sourit tout le temps.
- Ouais, mais ça me fait marrer à chaque fois..."

Je pris une galerie perpendiculaire. Je savais où j'allais : j'allais montrer un truc à Hurley.

"Nan, c'est pas ça", répondis-je dans une légère volute blanche.

J'avais posé une colle à mon pote, et il essayait depuis cinq bonnes minutes - en vain, cela va de soi - de deviner ce qui est capable de me donner le sourire, quel que soit l'état d'esprit dans lequel je me trouve.

"Les yeux de Svetlana ?"

Je lui lançais un regard noir. Pas besoin de répondre : il avait compris que ce n'était pas la bonne réponse. C'est dingue de voir à quel point nos meilleurs amis nous connaissent finalement mal, hein ?

"Nan. Ce qui est toujours capable de me faire sourire, même quand je suis vraiment pas d'humeur, c'est ça."

Nous venions d'arriver au coin de la galerie Garibaldi, celle qui mène sur la place sous le dôme de nanoplexi. Comme je l'espérais, le gars n'avait pas changé d'emplacement et faisait toujours son numéro, entouré d'un assemblement de badeaux modeste mais réel. Hurley fronça les sourcils, et nous nous approchâmes pour nous mêler aux curieux.

Le type est basané, mais je serais bien en peine de deviner son origine. Tout comme je suis incapable de lui donner un âge. De toute façon, je ne l'ai jamais bien regardé, car dès que je l'ai approché l'autre jour je n'ai vu que ses mains et ses doigts qui virevoltaient comme les ailes des papillons de nuit. Vêtu d'un long trench coat élimé et gris comme la cendre, il fait pleuvoir des cartes.

Des cartes. Des cartes à jouer. Des dizaines, à ses pieds. Il sourit, exposant ses dents blanches et bien alignées, tournant et retournant ses mains foncées d'un côté et claires de l'autre, vides de l'un comme de l'autre... et pouf. Des cartes. Il avait les mains vides, et maintenant il les a pleine. De cartes. Des cartes en éventail. Une suite royale à coeur. Un carré de sept. Il les jette en l'air vers l'assistance médusée. Pouf : un as de carreau apparaît entre son pouce et son index ; puis un as de pique ; puis un as de carreau encore ; puis un as de pique. Il triche. Oui, il triche, le salaud, jettant la carte en l'air, repliant sa main vide, et sortant de nulle-part une nouvelle carte. Ou une ancienne, je sais plus trop. D'une chiquenaude la carte s'envole de sa main droite vers sa main gauche, ses doigts agiles la saisissent, puis la main gauche se ferme en poing en broyant la carte. Il lève un sourcil moqueur, étire encore son sourire, et claque des doigts de sa main droite : la carte est là, intacte, près de l'auriculaire droit. L'artiste rigole.

Et moi je souris. Inévitablement. Un sourire automatique, pas forcé, franc. Quel que soit mon état d'esprit. Et pourtant, quand je fais la gueule, il faut plus que de la bonne volonté pour me rendre la banane : il faut un miracle.

Un miracle, ou un peu de magie.


Sven Thomasson Vërgson
8ème jour de Février 2069

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Commentaires
S
Berthoise : merci de penser que c'est mon cas.<br /> <br /> Chantal : la magie n'est pas dans les gens. Pas que.
C
J'adore les instants magiques... pas toujours liés à la présence des gens d'ailleurs.
B
C'est bien d'avoir gardé son âme d'enfant.
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