Cassé(e)
"Et alors là, crack, j'ai entendu l'os céder. J'ai alors ressenti une douleur, Sven, j'te raconte pas ! T'imagines même pas."
Oh, pas besoin que tu me racontes. Et pas besoin d'imagination : ça m'est déjà arrivé, une fracture, et je sais comment ça fait mal.
"Je sais pas comment dire, ça fait comme un coup de poignard, là..."
Ah, ça, je peux pas te dire, j'ai jamais été poignardé. C'est d'ailleurs marrant de voir avec quelle facilité les gens ont recours à cette métaphore du coup de poignard. Comme s'il y avait beaucoup de gens qui savaient ce que ça fait, de prendre un coup de poignard.
"Et là, tu vois, je voulais pas crier, fallait que je sois fort devant Laura. Alors je me suis concentré sur autre chose...
- Putain, ta jambe venait de casser et tu as réussi à penser à autre chose ?
- Ouais. Réflexe : j'ai pensé à Hitomi.
- L'actrice porno asian ?
- Tu connais ?
- Non."
Un ange passa. J'aurais pu jurer qu'il avait les yeux bridés.
"Et ça a marché ?
- Ouais. Et puis, tu te fais à la douleur. Sur le coup, Laura a crié de surprise et de peur. Et quand j'ai dit que ma jambe était cassée mais que ça allait, elle est partie chercher les secours.
- Super romantique, ton approche de séduction.
- J'ai pas fait exprès de tomber, hein.
- Quoique c'est peut-être une bonne idée, le coup de la blessure.
- Nan. Elle a cassé dès le lendemain."
Me suis marré. Il a fait la gueule. J'ai arrêté de rire.
"Tu sais Sven, c'est pas pour faire de mauvais jeux de mots hein. Mais avec le recul, j'ai l'impression qu'avec les femmes plus je fais des avances et plus je fais du sur-place."
J'ai fais 'toc-toc' sur son plâtre.
"C'est pas maintenant que ça va changer, j'crois bien, ah ah ! ... Hem... pardon."
J'suis con des fois.
Sven Thomasson Vërgson
Dernier jour de Mai 2069