La randonnée sans fin

3 janvier 2013

"Mon ptit Sven, je vais te dire un truc : La vie, c'est comme une randonnée..."

Sa jambe s'enfonce soudainement dans la neige jusqu'au genoux, et il s'interrompt dans un halètement rauque le temps de s'extirper de là. Il reprend néanmoins comme si de rien n'était.

"... Y'a de beaux endroits, d'autres moins terribles, y'a de la montée et de la descente, de la caillasse ou de la glace... mais dans tous les cas, faut avancer."

Je t'ai déjà fait ce genre de métaphore. Le truc est pas nouveau et je pourrais le lui dire, mais j'en chie autant que lui dans cette poudreuse épaisse qui colle à nos semelles tout en dansant en volutes dans le vent glacial, alors j'essaie de garder ma respiration stable et je me la ferme. Néanmoins je ne peux m'empêcher de méditer la métaphore et de repenser à cette période, il y a un an, où j'ai décidé de prendre un chemin de traverse. De changer de route, de couper à travers un champs de neige, de sortir de mes traces.

"Tu vois Sven, y'en a qui s'arrêtent, des fois. Parce qu'ils sont perdus, qu'ils n'ont plus la force d'avancer, ou par choix parce qu'ils trouvent un lieu chouette. Mais faut pas, mec. Dieu nous a fait avec deux jambes, c'est pas pour qu'on passe notre vie le cul sur un canapé."

C'était bien mon avis, il y a un an. Et ça l'est toujours. A l'époque j'étais dans un bourbier. Un lieu qui puait. J'y étais enfoncé jusqu'au genoux, et à moi aussi il m'a fallu des efforts pour m'en extirper. Je me suis fixé un nouvel objectif, comme un sommet qu'on veut gravir. Et aujourd'hui j'y suis, savourant la marche effectuée cette année. C'est que j'en ai parcouru, du chemin.

"Mais c'qu'il faut comprendre, c'est qu'il n'y a pas de destination. Même quand t'es mort, t'as pas atteint un endroit : c'est juste que t'arrêtes de marcher. La vie c'est pas une ligne avec un début et une fin. La vie c'est une marche sur Terre. Et la Terre elle est ronde mec : le bout du monde, il existe pas."

Et je m'en rends compte. Je suis là où je voulais aller cette année. Et je peux souffler cinq minutes pour le réaliser et y prendre plaisir. Mais ce n'est pas vraiment une destination, tout juste une étape. La route continue de s'étendre devant moi, que je le veuille ou non : je peux choisir la direction, mais le chemin est là, et je ne dois pas m'arrêter de marcher.

"Alors marche, mon ptit Sven, marche !" s'exclame-t-il finalement dans un grand éclat joyeux, accélérant son pas.

Je souris : et moi qui m'apprêtais à lui réclamer une pause ! Mais allez, il a bien raison : les destinations n'ont jamais eu un quelconque intérêt, seul le voyage compte.

Et je suis moi aussi bien empressé de voir les chemins qui s'étendent devant moi cette année.