Comme un ours en cage
Je crois que ce qui est le plus pénible, dans notre vie de tous les jours, à nous êtres humains qui avons vécu pendant des siècles dehors, c'est de se retrouver à vivre sous terre. Nombre d'entre nous n'ont connu que ça, ou presque, mais la mémoire génétique rend encore cette obligation difficile à vivre.
Je t'ai déjà expliqué que je sors régulièrement à la surface. Non pas que le froid ne m'incommode pas, mais je suis de ceux qui préfèrent l'endurer plutôt que ne jamais voir le ciel libre au-dessus de ma tête. La majeure partie de la population de la cité Azur, elle, ne voit jamais l'extérieur. T'as qu'à voir : la dernière fois qu'Hurley a vu le soleil, c'est dans un pop-up pour une agence de voyage.
Actuellement c'est la mauvaise époque. L'hivers. On pourrait même lui mettre une majuscule, tiens. L'Hivers. Impossible de rester dehors bien longtemps, même bien équipé. Je me contente parfois des dômes d'observation, même si la plupart du temps je ne peux m'empêcher de sortir à l'air libre, ne serait-ce que pour quelques minutes. Sentir la morsure du froid. La douce tiédeur du soleil aussitôt balayée d'une rafale. La réelle luminosité du ciel. La beauté du panorama. Dehors, quoi.
Je ne sais pas si c'est héréditaire, tout ça. Mon oncle disait que si, et que j'avais la baroude dans le sang comme il avait sa gourde dans son sac à dos. Que j'aimais être dehors parce que dans la famille Vërgson, on a toujours aimé la Nature, le vent et l'air pur. Que nos galeries, c'étaient des cages. Ouais. C'est ça. Que je mélange pas tout... c'est bien mon oncle qui disait que la cité Azur c'était une cage. Que j'étais un ours, ça, c'est ma mère qui le disait.
Sven Thomasson Vërgson
23ème jour de Février 2067