Paradis
J'étais monté. En surface.
Tu sais comme j'aime ça, pas vrai ? Quitter l'odeur de renfermé et l'acier et le verre. Echapper à la claustrophobie de cette cité piégée sous terre. Fuir le recyclage permanent de l'oxygène et enfin respirer un peu d'air. Monter vers la lumière et ces paysages blancs à l'infini. Un peu comme le Paradis.
Bon, c'est sûr que t'imaginais sans doute le Paradis comme assez confortable pour t'y balader pieds nus, en légère tunique blanche, l'auréole négligemment posée sur le sommet du crâne. Légèrement de travers, juste comme ça, à la cool. Si t'avais su qu'il fallait mettre autant d'épaisseur de fringues, des boots et des gants en polaire, t'aurais p't'être préféré les conneries à la sagesse, histoire que Belzebuth te garde une place au chaud prés du barbecue : comme disait un pote, le Paradis est un concept créé pour que les enfants qui ne croient plus au père noël continuent d'avoir des bonnes notes et d'être gentils avec les animaux...
Mais tout est une question de point de vue, tu vois ? Moi je l'aime bien comme ça, mon Paradis. Avec sa glace et ses flocons. Avec ce bruit de polystyrène sous mes pas. Avec ce vent qui siffle quand il s'engouffre dans mes oreilles. Avec cette impression d'être tout petit, à ma place. Et surtout - surtout - sans personne.
J'étais monté en surface, et je réfléchissais, ange déchu d'un Paradis perdu. Tu sais, celui qu'a sorti "L'Enfer, c'est les autres" ? Ben il était pas si con : pour bien faire il nous faudrait un Paradis chacun.
Sven Thomasson Vërgson
4ème jour de Juillet 2067