L'entretien final
« Monsieur, votre CV est particulièrement intéressant… »
C’est comme ça qu’a commencé l’entretien d’Hurley. Comme ça qu’il me l’a raconté, en tous cas.
« Votre profil correspond tout à fait à ce que nous recherchions. Il y a beaucoup de points qui jouent en votre faveur. »
Forcément, ça lui a gonflé le cœur, à Hurley. Ma foi, ça se comprend : ça faisait un bail qu’on lui avait pas dit des choses comme ça. Mais tu connais Hurley, il est pas trop du genre optimiste. A ce moment-là, malgré son énorme envie d’avoir ce job, il s’est dit que c’était trop beau pour être vrai. La moue de la bonne femme des ressources humaines a confirmé ses craintes.
« C’est pourquoi je suis tellement désolée, Monsieur. J’aimerais réellement pouvoir vous embaucher, mais hélas on ne peut pas toujours faire ce qu’on veut dans la vie. La conjoncture pour notre société n’est pas idéale, c’est un peu compliqué en ce moment. Il y a eu des restructurations, des problèmes de budget… »
Hurley a alors commencé à se tortiller sur sa chaise : il est un peu comme moi, Hurley, il aime pas trop tourner des heures autour du pot. Elle l’a compris.
« Je suis désolée, Monsieur, mais je crains qu’on ne puisse poursuivre plus avant. Bien entendu, nous resterons en contact, et je n’ai nullement le désir de perdre un candidat tel que vous ! Bien qu’à mon avis, votre CV est si intéressant qu’il est peu probable que vous restiez sans emploi encore longtemps… »
Si elle avait su combien de fois on la lui a servi, cette réplique, à Hurley ! Si elle avait su depuis combien de temps ça dure ! Si elle avait su… si elle avait su elle aurait fermé sa gueule, je pense. Et Hurley de conclure son récit par une remarque pessimiste, certes, mais qui sonne plutôt juste :
« Tu sais ce qui me déprime le plus dans l'histoire, Sven ? C'est qu'elle était absolument sincère. Et que je suis presque certain que dans trois mois la boîte recrutera un imbécile bien moins compétent que moi… »
Que voulais-tu que je lui réponde ? Je ne sais pas toi, mais en écoutant son récit j’ai personnellement eu une oppressante sensation de déjà vécu…
Sven Thomasson Vërgson
11ème jour de Novembre 2067