Des joies de la route
J'étais en voiture.
Nan, je te le dis, parce que quand même ça m'arrive pas souvent. Premièrement car je n'ai ni permis de conduire ni voiture ; secondement parce que j'ai finalement assez peu l'occasion de monter dans celles des autres.
Là, j'étais en voiture. Dans celle d'Hurley.
Il roulait pépère, pour une fois. C'est pas pour le couvrir, c'est la vérité : c'était pas sa faute, pour le coup. Le cabriolet a grillé la priorité, Hurley a pilé, moi j'ai gueulé, et ça a tapé. Pas trop fort, je te rassure tout de suite, mais un peu quand même. Boum, qu'il a fait notre pare-choc contre le sien. Boum boum, qu'il a fait mon sang dans mes tempes. Boum boum boum, qu'il a fait le poing d'Hurley sur le volant.
"Foutrebordel mais c'est pas possible ! C'est une gonzesse encore ça non ?"
Oui, Hurley est mysogine à ses heures. Que veux-tu, personne n'est parfait, même pas moi, surtout pas lui. Et en l'occurence, c'est bien une femme qui est sortie du cabriolet. On en est restés comme deux ronds de flan tant elle était gracieuse, belle et neuve comme la neige. Sans nous jeter un regard et sans s'offusquer des coups de klaxons provenant du camion bloqué derrière nous, elle a fait le tour de son véhicule et - nous tournant le dos - s'est penchée sur son pare-choc. Médusés, nous avons bien du avouer qu'elle était aussi bien de fesses que de face.
Encore sous le choc, je n'avais pas encore bougé. Hurley non plus. Et alors qu'il mettait enfin la main à son côté pour détacher sa ceinture de sécurité, elle haussait les épaules et retournait s'assoir devant son volant. Mon pote s'affolait alors, ouvrant sa portière, levant le bras, gueulant un bête "Hé ! Attendez !". Mais c'était trop tard : levant - toujours aussi gracieusement - un majeur manucuré à notre attention, la donzelle claqua sa portière et redémarra en trombe, poussée par la vague de voitures qui patientaient derrière elle. Comme la marée elle était venue jusqu'à nous, nous avait frôlé, et était repartie.
Plus les galets ont roulé, plus ils sont polis.
Pour les automobilistes, visiblement, c'est le contraire.
Sven Thomasson Vërgson
9ème jour de Janvier 2069