Avec des "si"...
Puisque ça n’intéresse personne – en tout cas, tu m’as rien demandé – je n’ai plus parlé de Svetlana depuis un bon moment. Faut croire que tu es plus intéressé par la vie dans les galeries et l’évolution de notre climat glaciaire que par mes histoires de cœur. Ma foi, je peux le comprendre.
Et puis, faut bien avouer que si j’ai rien dit, c’est aussi et surtout parce que je n’avais rien à dire. Rien de rien. C’est elle qui m’avait recontacté, en fin d’année. J’avais repris espoir. Mais je me suis vite retrouvé dans des impasses sombres, et mes derniers appels ont buté sur des messageries où mes mots se sont figés en attendant des réponses qui ne sont jamais venues.
Si je te raconte ça aujourd’hui, c’est pas parce que j’ai eu de ses nouvelles : depuis trois mois, rien de rien. Non, si je te raconte ça aujourd’hui, c’est pour mettre en relief – comme j’aime si bien le faire – les drôles de méandres que représente l’esprit humain. Parce qu’encore ce matin un ami m’a recontacté après plusieurs semaines de silence avec une excellente excuse : le hasard avait fait qu’il n’avait jamais reçu mes derniers appels. Parce qu’à chaque fois que j’entends parler d’un truc pareil, je me remets à penser que, peut-être, Svetlana a une très bonne excuse elle aussi. Parce que je n’ai pas envie de me croire quand je me dis qu’elle laisse le téléphone sonner quand j’appelle, parce qu’elle n’a pas envie de me répondre. Parce que l’espoir est bel et bien une caractéristique purement humaine. Et parce que les « peut-être » et les « si » sont si amusants à manipuler.
Par exemple : si le boss m’apporte pas de nouveau dossier d’ici à ce que je termine cette note, peut-être que je pourrais ENFIN aller pisser.
Sven Thomasson Vërgson
13ème jour de Mars 2067